Agnes Maurin est la Directrice générale de la Ligue nationale contre l’obésité, une association qu’elle a co-fondée en 2014 avec le Professeur David Nocca avec pour objectif de lutter contre l’obésité, mais aussi de destigmatiser les malades en faisant mieux connaitre cette maladie.
Nous l’avons rencontrée, et échangé sur cette maladie mal connue, les protocoles de soin actuels, sur les actions de la Ligue et sur ses ambitions.

Bonjour Agnes,
Un grand merci d’avoir accepté d’intervenir pour FeelEat. Avant de parler de l’association, pouvez-vous nous parler de cette maladie qu’est l’obésité ?

Vous avez raison de parler de maladie. Pour les experts et les chercheurs, il est de plus en plus prouvé que de nombreux facteurs génétiques, biologiques, psychosociaux et environnementaux font de l’obésité une réelle pathologie. A l’inverse,

le grand public et les médias résument trop souvent l’obésité à une question de comportement alimentaire et d’absence d’activité physique.

Evidemment, l’obésité est le résultat de ce que nous mangeons et de ce que nous brûlons. Et ce raisonnement du gros – qui mange trop et ne se dépense pas – existe depuis si longtemps qu’il est difficile de croire, pour les néophytes, qu’il est en partie erronée. Bien que tout le monde a son mot à dire, sa solution ou son conseil, l’heure est venue de confronter les idées reçues à la science et de leur tordre le coup une bonne fois pour toute.

Comment se manifeste-t-elle, qui est touché ?

L’obésité est un excès un tissu adipeux, c’est-à-dire de graisse, qu’il faut considérer comme un organe au même titre que le cœur ou les reins. Les obésités sont des maladies chroniques et complexes, et les causes en sont multiples. On sait que cette maladie est progressive, très souvent liée à des prédispositions génétiques, centrée dans le cerveau, influencée par l’environnement subi.
Quand on essaie de perdre du poids, le cerveau se défend, agressivement. Il libère un niveau plus élevé de l’hormone de la faim, appelée ghréline, et envoie un message à l’hypothalamus pour lui demander de manger. Dans le même temps, les neurones bloquent le sentiment de satiété et ralentissent la vitesse à laquelle les calories sont brûlées.
Depuis peu , les chercheurs ont aussi découvert un rapport majeur entre obésité et microbiote intestinal.
Pour lutter efficacement, il est nécessaire de comprendre la régulation biologique de l’apport alimentaire et les mécanismes psychologiques qui contrôlent les régulations de la masse grasse.
Enfin, tout le monde est touché, aussi bien les enfants que les adultes, aussi bien dans les pays riches que les pays pauvres. La progression de l’obésité dans le monde est constante et dramatique.

Quels sont les traitements actuels ? Sont-ils efficaces ?

Il n’y a pas de médicaments. Le seul traitement efficace pourrait être la prise en charge pluridisciplinaire, c’est-à-dire en œuvrant sur les différentes obésités et leurs causes associées. Il faut, par exemple, encourager la recherche sur l’ADN, sur le microbiote intestinal… Il y a maintenant des preuves scientifiques qui démontrent que les personnes atteintes d’obésité ont une flore intestinale différente et que leur corps stockent les calories plutôt que de les éliminer.

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Comment vivent les personnes souffrant d’obésité ?

Forcément très mal. Elles rencontrent des difficultés à tous les instants. Dans la vie quotidienne, dans leur travail, dans l’accès aux soins… les personnes souffrant d’obésité se heurtent à mille maux car l’excès de poids constitue un handicap. Elles souffrent, perdent leur estime de soi, s’isolent. Elles vivent leur poids comme un échec moral. N’ayant pas de solution, elles se ruent sur les régimes qui aggravent leur état.
Le plus terrible, c’est que plus la pression de la société est forte, plus le « marché de la minceur » et ses pratiques mensongères a de beaux jours devant lui. On vient d’en avoir une nouvelle illustration avec la condamnation de « Comme j’aime ». Elles sont aussi de plus en plus victimes de grossophobie, c’est-à-dire de discrimination, de cyber intimidation, voire de cyber harcèlement. Cela peut conduire à la dépression, parfois au pire.

Quels sont les chiffres de l’obésité en France ?

Depuis 2012, il n’y a plus de grande enquête épidémiologique nationale sur l’obésité. La dernière en date, c’était le baromètre Obépi. Aujourd’hui, les pouvoirs publics avancent le chiffre de 7 ou 8 millions de personnes souffrant d’obésité. Devant ce vide et cette approximation, la Ligue contre l’obésité a décidé de financer et de relancer cette enquête qui fait référence dans le corps médical. Elle concernera un large panel de 15 000 foyers, soit plus de 50 000 personnes. Ainsi, au printemps 2020, nous obtiendrons une exacte photographie de la situation de l’obésité en France.

Qu’est-ce qui vous a donné envie de créer la Ligue contre l’obésité ? 

C’est à la fois la rencontre avec les deux autres co-fondateurs animés comme moi par le désir d’agir sur le terrain de l’obésité en terme de prévention et d’accompagnement, et une histoire plus personnelle. La Ligue a été créée pour rétablir la vérité, informer sur les causes de l’obésité, donner la parole aux malades souffrant d’obésité, les accompagner et œuvrer à une meilleure prise en charge médicale. Nous voulons dénoncer la négligence et la stigmatisation dont sont victimes les malades, y compris dans le secteur médical. Notre engagement vise à faire tomber l’un des derniers tabous, à lutter contre les préjugés et casser ce sentiment de honte que le regard des autres infligent aux personnes malades de l’obésité. C’est avant tout un combat humain. A la Ligue, nous estimons que la dignité d’une société se définit à sa capacité à prendre en charge ses éléments les plus vulnérables.

Quelles actions et quels projets mettez-vous en place ?

Nous avons mis en place un centre d’aide et d’écoute spécialisé qui a reçu plus d’un millier d’appels en quelques mois. Nous avons développé l’aide aux associations de patients en organisant le congrès des « Idées Fortes ». Lors de ce rendez-vous annuel, nous attribuons des bourses qui permettent aux associations de patients de financer leurs projets de prise en charge et d’accompagnement des malades. Nous avons lancé un site internet où l’on peut trouver toute l’actualité de l’obésité. Le centre de formation sur l’obésité que nous avons créé l’an dernier à destination des professionnels médicaux est déjà opérationnel. Enfin, nous allons ouvrir plusieurs centres d’accompagnement dont le premier se situera à Montpellier.

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Intervenez-vous dans toute la France ?

Bien sûr. Nos antennes départementales mettent en œuvre les programmes de prévention et les animations sur le terrain. Nous sommes présents avec nos stands pour donner de l’information dans les congrès médicaux et lors d’événements grand public à Lille, Strasbourg, Marseille, Lyon, etc. Nous sommes intervenus, par exemple, lors de Paris Plage, pour rencontrer les familles d’Île-de-France. Notre travail d’information et de sensibilisation est constant.

Qui ciblez-vous ?

D’abord l’Etat. Il doit enfin reconnaître l’obésité comme maladie et s’engager efficacement dans la voie du traitement. L’Organisation mondiale de la santé a reconnu l’obésité comme une maladie en 1997. La France, elle, s’est contentée d’enchaîner les Plans nutrition santé depuis vingt ans. Et cela n’a servi à rien. La preuve : l’obésité, y compris juvénile, n’a cessé de croître. Va-t-on persister dans l’échec encore longtemps ? Vous savez, une grande partie de l’inertie dans la lutte contre cette maladie peut être attribué au fait que la société renvoie l’obésité à une question de responsabilité personnelle. On impute à personne souffrant d’obésité un manque de discipline, de maîtrise de soi. Cela permet à l’Etat de se défausser et de ne pas agir sur le terrain médical contrairement à d’autres pathologie, comme par exemple les cancers où l’état s’implique plus clairement.

Comment vous contacter et / ou comment vous aider ?

Pour entrer en contact avec la Ligue, il suffit d’aller sur notre site liguecontrelobesite.org et de remplir l’un des formulaires de contact en fonction de la demande. Nous répondons systématiquement aux sollicitations. C’est aussi l’occasion pour les personnes intéressées de s’informer sur l’actualité de l’obésité.
Pour nous aider, il existe plusieurs façons de procéder. Soit en devenant bénévole, soit en ouvrant une antenne départementale, soit en effectuant un don qui permettra à la Ligue de poursuivre son combat contre la maladie.
Merci infiniment Agnes d’avoir accepté cette interview et pour ce témoignage sans tabou.

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