Témoignage de Julia

Je vous mentirais si je vous disais que la guérison était un chemin facile et que je n’ai jamais rechuté.

J’ai mis à peine quelques mois pour perdre une vingtaine de kilos et trois longues années pour les récupérer.

J’ai enchaîné les hospitalisations, les suivis, j’ai eu tout le soutien de ma famille, de mes amis, de mes médecins, … Pourtant, guérir restait impossible.

Je gardais ce poids entre deux, qui me permettait de ne plus être hospitalisée de force mais où les évanouissements étaient encore fréquents, ce poids qui faisait que j’avais tout le temps froid, que je mangeais parfois moins qu’un enfant, que l’excès de sport était mon quotidien, que mes os me faisaient mal, …

A ce poids j’étais là physiquement, mais meurtrie par ma maladie.

J’étais bloquée dans ma guérison.

Guérir devant ces gens qui m’avaient vu tomber tellement bas m’était impossible.

L’idée que mes amis me voient manger ou prendre du poids me faisait faire des cauchemars.

J’ai alors fait le choix de partir, de m’éloigner de tout, pour pouvoir mieux me concentrer sur moi, et pour guérir.

J’ai voulu me retrouver seule, dans un autre pays, où personne ne connaissait mon histoire, où l’on ne s’inquiétait plus pour moi et où pour une fois, je n’étais plus sous le contrôle d’un médecin ou de mes parents.

J’étais devenue ma propre responsabilité.

Le début de mon voyage n’a pas été facile.

Obligée de faire une quarantaine à mon arrivée, j’ai été recueillie par une famille dont la maitresse de maison souffrait d’orthorexie, elle admirait ma maigreur ce qui a renforcé des pensées malsaines et un excès de sport.

Ma liberté a commencé lorsque j’ai enfin pu rejoindre ma résidence étudiante, poser mes valises dans la ville de Brighton avec un mélange de peur et d’excitation.

Je me souviens encore de mon premier repas : un burger que j’ai mis près de 2h à choisir, plat que je n’avais pas mangé depuis au moins 3 ans.

La vérité ? je l’ai à peine touché, mais au moins, j’avais essayé.

Les semaines s’enchaînaient, j’étais heureuse car petit à petit, je pouvais m’écouter.

Au début, toujours beaucoup de restrictions, mais j’arrivais à me faire plaisir régulièrement, avec une bonne crêpe au goûter ou un bol de céréales en plus avant d’aller me coucher.

Puis j’ai commencé à sortir avec des gens de mon âge, à boire un demi-cocktail, à vivre comme les autres étudiants.

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Être qu’avec des personnes profitant de la vie m’a beaucoup aidée, voir que les autres élèves de mon école allaient se chercher des hamburgers presque chaque midi et qu’ils n’avaient aucun problème de poids m’a libérée de mes croyances, même si tout cela restait difficile pour moi.

Lorsque certains ont appris que je souffrais de trouble alimentaire, ils ont été super compréhensifs. Bien sûr, au début, les sorties au restaurant me faisait peur, mais petit à petit, j’ai appris à profiter, et surtout à retrouver le plaisir de manger en toute convivialité.

Et puis, il y avait cette fille, qui sans le savoir m’a tellement aidée à guérir.

Nous étions dans la même résidence, elle m’a poussée à sortir un peu plus, à cuisiner ensemble des plats de pâtes ou notre fameux poulet curry, nous allions bruncher le dimanche ou prendre un café sur la plage.

Pendant le confinement, on organisait de petites soirées dans la cuisine de la résidence avec d’autres étudiants. Plus le temps passait, plus j’avançais.

Mon sentiment à ce moment là ? Un sentiment de liberté de pouvoir manger ce que je voulais et que cela soit mon choix, le fait que personne ne sache ma maladie, ne plus être considérée comme celle ayant souffert d’anorexie, mais juste Julia.

Je me souviens des premiers chocolats achetés dans un « convenience shop » en rentrant de soirée simplement car j’en avais envie, ou le plaisir de me faire mes pâtes aux aubergines et à la sauce tomate le soir quand il faisait bien froid, je me rappelle la première fois où mon copain m’a offert un cupcake sans que je fasse une crise d’angoisse, j’avais enfin avancé.

J’ai bien conscience qu’à la lecture de mes propos, tout cela peut sembler féérique, mais détrompez-vous, rien n’a été facile.

J’ai aussi passé des soirées à me restreindre, et même à vomir, à me détester car j’avais le sentiment d’avoir trop mangé ou simplement car je me détestais de m’autoriser à revivre à nouveau.

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Mais j’ai guéri pour moi

J’ai eu mes hauts, mes bas mais je n’ai pas arrêté de me battre contre cette maladie. Je me suis refait des amis, j’ai rencontré mon copain, je suis ressortie en soirée, j’ai enfin ri pour de vrai.

J’ai profité malgré mes peurs, j’ai avancé, j’ai aimé, j’ai souri, j’ai dansé, j’ai bu, j’ai suivi le chemin de la vie et plus celui d’une maladie.

En rentrant chez moi, j’avais repris des formes humaines, j’étais sortie de cette zone de danger mais surtout j’avais repris un vrai sourire.

Dans cette maladie, j’ai eu des parents, des amis et une psy qui ont toujours tout fait pour m’aider mais là c’était à moi de me sauver et c’est peut-être pour ça que pour une fois j’ai voulu guérir, ma guérison était entre mes mains.

Moi pour guérir, j’ai du partir.

Attention : l’histoire de Julia, aussi inspirante soit-elle, ne peut en aucun cas s’appliquer à ceux et celles dont l’état de santé est encore trop fragile et dont la vie pourrait être en danger.

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