Bonjour Docteur Mammar, Docteur Remy,
Vous êtes toutes les deux psychiatres, spécialisées dans la prise en charge de patients qui souffrent de troubles des conduites alimentaires. 

Ces dernières années, vous voyez une évolution dans les prises en charge des patients touchés par ces troubles. Comment l’expliquez-vous ?
Bonjour,
En effet, nous notons de grands progrès récents en France, notamment dans la reconnaissance que les TCA sont un état majeur de santé publique. En 2015, une pétition a été signée par 9000 concernés, associations de professionnels et d’usagers, pour sensibiliser les pouvoirs publics au gâchis causé par ces pathologies.

Suite à cette pétition, nous avons pu obtenir quelques aides pour faire évoluer l’organisation et la coordination des soins notamment.

Quelles sont aujourd’hui les grandes lignes d’un soin pour trouble alimentaire ?
Il est primordial qu’une prise en charge s’inscrive dans la durée pour être efficace, de façon évolutive, personnalisée, par étapes, et intégrant une évaluation régulière de l’état clinique.
Aujourd’hui, si l’état physique, somatique et psychique du patient le permet, nous préconisons un suivi essentiellement ambulatoire et pluridisciplinaire, contractualisé, reposant sur l’alliance thérapeutique (notamment via une collaboration étroite entre somaticiens et psychiatres).
La synergie entre psychothérapie individuelle et normalisation des conduites alimentaires est essentielle, avec le respect des besoins nutritionnels.
Idéalement, nous recommandons également l’implication des parents et des proches.

Quels principes essayez-vous de respecter pour chacun de vos patients ?
Chaque patient est différent, et chaque soin est individualisé, mais le tronc commun de chaque relation patient / soignant doit se fonder sur un principe de confiance, d’empathie, de non jugement, qui sont les bases de l’alliance thérapeutique.
Tout comme ce qu’on essaie de véhiculer à nos patients, il faut persévérer, prendre le temps, ajuster, communiquer, expliquer, s’engager.
Pour être le plus efficace possible, il est important d’écouter, d’agir ensemble, de partager.
Notre rôle est également de favoriser les ouvertures, de valoriser et encourager le patient pour l’aider à continuer à croire en lui et à retrouver la confiance en lui.
Le parcours de soin est fait de nombreux obstacles qu’il nous faut chercher à comprendre et les prendre en compte.

En tant que soignants, notre seul objectif doit rester le rétablissement et la guérison du patient.

Vous semblez prôner une véritable éthique de soin.
Oui, cette éthique est primordiale pour obtenir la confiance du patient.
Les méthodes ont changé, le soin est plus respectueux , plus collaboratif, sans stigmatisation.
Il tient compte des choix du patient et de sa famille, ce qui permet au patient d’être actif pour lui, de retrouver le sens de son histoire.
La confiance dans l’évolution est fondamentale, il s’agit ainsi de donner envie, d’être du côté de la vie, d’accompagner la vitalité.

Spinoza disait : « Ne pas rire, ne pas maudire, ne pas désespérer mais comprendre ».

Merci à vous deux.