Je crois que j’ai toujours eu un rapport compliqué avec la nourriture.

Mais les troubles du comportement alimentaire sont apparus il y a maintenant 10 ans.

Au collège, j’étais très bonne élève et surtout très curieuse, j’aimais apprendre de nouvelles choses, participer en cours, lire au cdi pendant les récréations : pour moi c’était normal et ça me plaisait.

Mais petit à petit cette envie de toujours savoir plus m’a attiré des ennuis et les moqueries ont commencé.

Au début ce n’était pas bien méchant : « intello », « lattardé » (un jeu de mot avec mon nom de famille)… mais par la suite, c’est devenu de plus en plus violent et rabaissant. J’avais la boule au ventre tout le temps.

Quand j’allais au collège, je ne savais jamais ce qui allait m’arriver : si on allait me pousser dans les escaliers, me planter des compas, me faire inhaler du déodorant… je ne savais jamais ce qui allait leur passer par la tête. J’avais peur d’en parler à mes parents car j’avais honte et je ne voulais pas les décevoir alors je n’ai rien dit et j’ai subi.

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Je pensais que ça ne pouvait pas aller plus loin car pour moi c’était déjà très dur à supporter mais finalement je me trompais.

J’ai commencé à avoir des formes, et ça a été pire. Les moqueries se sont amplifiées, certains garçons se permettaient de me toucher.

C’est donc à cette période, sans m’en rendre compte que les troubles alimentaires ont fait leur apparition. En effet, ma seule motivation de la journée, la seule chose qui me faisait tenir c’était de savoir que j’allais passer devant la boulangerie le soir et que je pourrai me remplir.

La boulangère avait l’habitude, elle savait ce que je prenais chaque jour :

2 baguettes tradition, 18 crêpes et 2 parts de far.

Je n’avais pas conscience que c’était un comportement anormal, c’était mon seul réconfort de la journée avec mon repas du soir. Je pouvais même me mettre dans tous mes états si au menu le soir c’était omelette haricots…

100 exemples de repas complets pour retrouver des repères et reprendre goût à l’alimentation

J’ai eu l’opportunité de changer de collège pour suivre un programme de sport étude (gymnastique). J’ai pensé être sauvée, sauf que j’ai fui un collège et emporté avec moi les troubles alimentaires, ce vide intérieur et j’ai continué à manger mes émotions pendant 2 ans jusqu’au jour où la nourriture ne parvenait plus à m’apaiser et à contenir mes pensées.

Au lycée, j’étais là sans être là, j’étais dans mon monde. C’était comme si je m’étais perdue en cours de route, comme si à ma fuite de ce premier collège il y avait eu un « arrêt sur image ».

Les troules alimentaires continuaient de plus belle, j’avais l’impression d’exister mais paradoxalement je disparaissais.

J’ai entamé un suivi, perdu énormément de poids, repris un peu de poids, arrêté mon suivi, et multiplié les crises de boulimie. J’ai évidemment repris du poids mais beaucoup trop vite et surtout n’importe comment. Je mangeais, enfin plutôt je dévorais mes pensées, mes émotions. J’étais un puit sans fond. J’avais ce besoin vital de manger, j’étais mon propre bourreau.

Je me suis imposé ce rythme jusqu’au jour où j’ai fait une très grosse chute de potassium. J’ai donc été hospitalisé en urgence et perfusé. Cette hospitalisation m’a fait un électrochoc.

Trois mois après, j’ai rencontré mon copain actuel. Ça n’a pas été évident car j’étais comme une « enfant sauvage », très méfiante et très impulsive… mais pour lui mes troubles alimentaires étaient un non-sujet, dans le sens où il n’en faisait pas un problème. On en a beaucoup parlé, il m’a apaisé, compris, et ne m’a jamais jugé. Avec lui je pouvais tout dire et surtout il me regardait comme personne ne m’avait jamais regardé.

J’avais enfin un but, il a réussi à me redonner confiance en moi.

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Deux ans et demi plus tard, je suis toujours en couple, je fais des études qui me plaisent et je m’épanouis. Je suis beaucoup moins négative, beaucoup moins sensible et plus apaisée. J’ai pu mettre des mots sur les maux et commencer une reconstruction, certes lente, mais une reconstruction quand même.

J’ai encore des troubles alimentaires mais la différence aujourd’hui c’est que j’ai enfin accepté une vraie prise en charge par une psychiatre spécialisée dans les troubles alimentaires.

J’ai tout à fait conscience que ces années m’ont terriblement fait souffrir. Ma famille a subi également. Ma soeur l’ignore mais elle a joué un rôle très important dans mon combat.

Cuisiner me fait du bien, et je prends plaisir à partager de belles recettes et visuels sur mon compte Instagram. Je suis convaincue que cela m’aide à apprécier mes repas.

J’ai aussi compris que ce n’est par parce qu’on a un poids « normal » que l’on ne souffre pas de troubles alimentaires.