Chèr.e.s patient.e.s, avant toute chose, je vous prie de bien vouloir m’excuser d’utiliser ce mot, car vous êtes bien évidemment beaucoup plus que des patient.e.s. Vous êtes des guerrier.e.s, des combattant.e.s, vous qui endurez chaque jour une souffrance sans nom.

Ce message ne vous donnera pas de solution miracle, il ne vous guérira pas mais j’espère qu’il vous apportera un peu d’espoir.

Pendant presque une décennie j’ai souffert, j’ai connu la honte de dévaliser le frigo de mes parents puis les rayons des magasins, j’ai bouché des toilettes et trimballé des sacs de vomi dans mon quartier. J’ai connu la culpabilité d’avoir mangé la tomate cerise de trop, la peur intense de prendre du poids et l’euphorie d’en perdre. J’ai fait le yoyo alternant maigreur excessive et léger surpoids. Je porte sur mon corps les cicatrices de ce grand n’importe quoi. J’ai connu les hospitalisations inadaptées où les soignants t’enferment à clé dans ta chambre et te shootent aux médicaments. J’ai connu l’isolement, l’interdiction des visites, les centaines de kilomètres me séparant de mes proches et j’ai connu le « droit » de téléphoner trois quart d’heure tous les trois jours à mes parents. J’ai connu la sonde qu’on t’enfonce dans le nez pour te faire prendre ce poids que tu t’acharnes à perdre et j’ai connu les compléments alimentaires que tu vides discrètement. J’ai connu cette impression pesante et permanente que tout est trop dur y compris boire un verre d’eau. J’ai eu envie d’abandonner et j’ai abandonné plusieurs fois. J’ai connu la perte d’amies qui souffraient elles aussi et je porte encore leur deuil.

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Mais j’ai aussi connu des soignants qui croyaient en mes capacités, des soignants qui répondaient de manière bienveillante à mon refus de vivre, de lutter, mon épuisement et mon acharnement à me détruire. J’ai eu la chance d’être entourée par quelques proches et une équipe soignante investie. J’ai erré pendant longtemps mais « errer humanum est ». On m’a reproché de me complaire, de rechuter pour faire du mal. Je me suis sentie souvent incomprise et certainement qu’on ne pouvait pas parfaitement me comprendre. Mais certains ont essayé.

Petit à petit, pas à pas, prudemment, j’ai glissé un orteil hors des troubles du comportement alimentaire.

Je savais ce que je perdais mais je ne savais pas ce que j’allais gagner. J’étais terrorisée mais j’ai persévéré. J’ai défié les pronostics des médecins, refusant d’être condamnée à vivre comme ça. J’ai essayé, j’ai échoué, j’ai réessayé encore et encore jusqu’à ce qu’un jour je me rende compte que je ne savais plus quand avait eu lieu ma dernière crise. J’ai repris mes études et j’ai lâché prise.

Tout n’est pas rose, la vie reste la vie avec ses aléas, ses hauts et ses bas mais je ne regrette pas ce combat. J’ai appris beaucoup et je me suis rendue compte que j’avais beaucoup de ressources.

Vous qui souffrez en avez également. A commencer par l’instinct de survie qui bien que discret vous fait pousser la porte d’une association, un cabinet de psy, une clinique. Vous avez des ressources et surtout vous avez le droit de prendre votre place. Vous avez le droit de refuser la normalité et de créer la votre, vous avez le droit de gueuler « j’en ai marre », de pleurer mais de rire aussi. Vous avez le droit d’exister et vous avez le droit de vivre. Vous avez droit au bonheur.

Les possibilités sont infinies. La maladie vous fait croire que vous ne valez rien et que vous méritez de souffrir mais c’est faux. Vous n’êtes coupable de rien, mais vous êtes responsable de votre guérison.

Espoir, courage, force, persévérance. Tout effort finit par payer un jour et si vous avez peur, sachez que la vie mérite qu’on s’y intéresse un minimum et que vous ne serez pas seul.e.s.

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