A l’époque, au plus fort de mon trouble alimentaire, mon médecin ne m’a jamais posé la question : « Quelle quantité de sport fais-tu par jour ? »
Je me nourrissais, mais à la seule et unique condition que je pratique « mon sport » 3h par jour et pas une minute de moins !
Mon trouble était caché. Je ne pouvais pas être accusée de ne pas manger.
Je souhaite vous parler de l’hyperactivité physique et de sa gestion dans le processus de guérison de la maladie, car je trouve que c’est un aspect qui n’est pas assez abordé et clair.
Au début, je m’entraînais pour le plaisir. J’adorais me dépenser et le sport a toujours fait partie de ma vie. Mais j’ai « glissé sur la peau de banane ». C’est devenu une obsession et j’ai fini par vouloir me dépenser de manière compulsive.
Je devais traiter cela comme il se doit : cesser complètement toute activité physique, quelle qu’elle soit.
Et ça a été absolument terrifiant.
Je ne pense pas exagérer en disant que c’est la chose la plus angoissante et difficile que j’ai faite de ma vie.
J’ai fait des combats de boxe, je me suis lancée seule dans un tour du monde, j’ai sauté en parachute…aucune de ces expériences ne ressemble aux émotions que j’ai pu ressentir lorsque j’ai décidé d’arrêter tout sport. Plus rien.
Actuellement, je trouve que les recommandations concernant le sport et l’activité physique données aux personnes atteintes des troubles alimentaires restrictifs ne sont pas assez tranchées.
On dit à certaines d’en faire de façon « modérée ». A d’autres, on leur conseille de s’abstenir.
Je pense que cela ne devrait pas être aussi neutre et opaque. Cela devrait être très clair : aucune personne avec un trouble alimentaire restrictif ne devrait pratiquer une activité physique. C’est un symptôme de la maladie.
C’est tout aussi néfaste que de se purger. C’est se purger de façon cachée et insidieuse.
Le sport est nécessaire et bénéfique pour la santé bien évidemment. Mais pour un individu avec un trouble du comportement alimentaire, cela peut être dévastateur. Le corps est stressé et affaibli, pourquoi en rajouter avec le sport?
Je voulais arrêter de bouger plus que tout. Mais je ne pouvais pas. Trop de choses dépendaient de cette hyperactivité, mon alimentation essentiellement.
La seule pensée de ne pas pouvoir marcher, faire mes exercices de gym ou courir pouvait me donner les larmes aux yeux. J’avais tellement peur de ne pas pouvoir faire « mon sport ». J’avais progressivement conditionné mon cerveau : il était terrifié à l’idée de ne pas enchaîner ces kilomètres de bitume, car il savait que si je ne les exécutais pas, je ne mangerais pas. Et mon corps était trop faible pour ne pas être nourri. C’était un cercle vicieux et destructeur.
Que faire concrètement lors de la guérison ?
Vous pouvez retrouver votre poids de forme tout en continuant à pratiquer du sport.
Si vous faites en sorte de vous alimenter suffisamment pour compenser les pertes énergétiques, vous allez prendre du poids parce que c’est la priorité pour un corps en sous-poids.
C’est pourquoi beaucoup de personnes pensent qu’elles n’ont pas besoin d’arrêter l’exercice physique pour « guérir ».
Cela a été mon cas donc je réponds non, parce que la guérison totale ne signifie pas seulement revenir à un poids de forme ou acceptable. Sortir d’un trouble alimentaire restrictif de façon définitive, c’est se nourrir sans condition et sans peur. Activité physique=condition.
Etre capable de manger sans condition, c’est pouvoir se reposer et ne pas réduire sa portion alimentaire en conséquence. C’est compulsif et vous n’en avez pas le contrôle.
Si vous maîtrisiez ce comportement, ne pas bouger d’un centimètre ne vous ferait pas pleurer ni crier.
Si vous avez atteint votre poids de forme, mais que vous poursuivez une activité physique : tout d’abord, félicitations pour cette prise de poids, vous pouvez être vraiment très fièr(e) de vous !
Ensuite pour la partie sport, vous savez ce qu’il vous reste à faire, vous reposer !
J’ai arrêté totalement le sport deux années complètes.
Je marchais et je m’étirais de temps en temps, et seulement si j’en ressentais réellement le besoin. Si une petite voix me disait « allez, bouge un peu, tu es fainéante quand même et cette glace que tu as mangée en dessert, elle va aller où ? Dans les hanches ?», c’est là que je ne bougeais pas un orteil pour la faire taire cette voix et ne pas lui donner raison.
Cela m’a fait un bien fou aussi bien physiquement que mentalement!
Je sais, ce n’est pas juste, extrêmement difficile et très frustrant.
Mais je pense qu’il est absolument primordial d’arrêter tout sport et activité physique pendant un temps. C’est le conseil le plus précieux que je puisse vous offrir car cela m’a permis de :
- reposer mon corps qui en avait plus que besoin
- opérer une sorte de « reset » de mon cerveau, épuisé lui aussi
- changer radicalement et durablement ma relation au sport et la façon de bouger mon corps en général.
- Profiter de ces temps de repos et de détente pour retrouver les activités que j’avais mises de côté : la lecture, le dessin, la musique…
- me trouver une autre identité en dehors du sport.
Si j’ai pu le faire, je vous assure que vous pouvez y parvenir aussi.
Demain et les jours qui suivront, RE-POS !
Si vous aussi vous souhaitez témoigner et aider les autres, c’est par ici
8 commentaires
Il s’agit d’un témoignage très intéressant, je me suis entièrement reconnue dans ces propos . Il faut bien évidemment faire la différence entre Sport et hyperactivité, malheureusement lorsqu’on souffre de TCA ,on parle généralement d’hyperactivite et il est indispensable d’y mettre un terme ?
Cela semble tellement évident mais pourtant pas facile à mettre en oeuvre… Le sport pour faire du bien qui au final fait du mal. Merci pour ton témoignage.
Avec plaisir Marine! J’espère que cela va t’aider à avancer et à mettre les choses en place petit à petit pour avoir une meilleure relation à l’exercice physique. Je suis avec toi!!:)
Bonjour Ornella, merci beaucoup pour ton retour. Dans les TCA, l’exercice physique n’a pas la fonction bénéfique qu’elle peut avoir quand une personne ne lie pas la nourriture à tout cela. Il est important de se demander pourquoi et comment on pratique ce sport ou cette activité physique. Nous fait-il réellement et honnêtement du bien physiquement, physiologiquement, émotionnellement, mentalement…? A mon sens, faire un reset total du cerveau et du corps est indispensable. Se reposer complètement, prendre du recul et s’alimenter régulièrement, en quantité et en variété de manière à ce que le cerveau soit nourrit et devienne plus lucide. Je souhaite sincèrement que ce témoignage va t’aider. Je suis de tout coeur avec toi!:) crois en toi!
Bonjour Tatiana, je me reconnais à 100% dans ce que tu décris. le sport pour compenser ou pour se mettre en dette et s’autoriser à manger. aujourd’hui, je n’arrive pas à trouver le truc pour arrêter, même si je suis passée de 2h par jour à 1h. si je m’arrête, je me dis que je ne peux plus manger. et même si je suis anorexique, j’adore quand même manger. comment faire? j’aimerais bcp discuter avec toi de vive voix, je ne sais pas si c’est possible. merci
Bonjour Charlotte! Merci beaucoup pour ton partage. C’est malheureusement très courant cette association sport de façon compulsive et irrationnelle pour s’autoriser à manger. Cela fait partie des troubles: avoir une condition interne pour manger « ce que tu veux ». On en parle avec plaisir. Ecris-moi à l’adresse suivante: tatianavass@hotmail.com. Courage et à très vite!
Bonjour Tatiana,
je me suis bien reconnue dans ce témoignage… Je suis passée d’au moins 5 séances de sport (en salle, 45 min) il y a deux ans à… 1 ou 2 séances par semaine, c’était un deal avec mes médecins. Et il fallait choisir une activité pas trop intensive, et surtout que je faisais pour le plaisir (entre séances de TAFC ou de danse… j’ai choisi la danse évidemment, et le step que j’adore trop). J’ai aussi eu tellement peur de prendre direct trop de poids lorsque j’ai repris mes études cette années (je suis infirmière, alors passer d’un service où c’était la course tout le temps à un taf plus posé d’étudiante… tellement angoissant au début). Ce n’est qu’en arrêtant, en se posant sur du long terme que finalement on réalise que le sport ou l’activité n’a pas un si grand rôle dans le poids : je n’ai pas spécialement réduit mes portions (un peu au début j’avoue… mais j’ai perdu du poids et l’ai repris) mais ça n’a pas fait un « bond » non plus. J’ai toujours cette petite voix, qui me dit « ohlala aujourd’hui tu as seulement bossé toute la journée sur ton ordi, quand même c’est pas terrible ». Mais si justement, c’est terrible : terriblement chouette de volonté et de reprise de pouvoir sur cette maladie. Je penserai à ton témoignage demain (et d’autres jours surement), j’ai prévu une grosse journée d’écriture pour mes études alors…pas d’activité physique.
Merci 🙂
Bonjour Marle! Que j’aime lire ces témoignages. Merci à toi et à Feeleat de pouvoir partager nos expériences. Bravo pour cette réduction du sport. Pose-toi toujours la question de savoir pourquoi honnêtement au fond de toi tu veux aller à une séance ou te bouger. Est-ce que cela te fait du bien? Est-ce que c’est pour te déculpabiliser? Est-ce que c’est pour éviter, annihiler ou ignorer des émotions désagréables?…L’aspect physique, le repos du corps est très important, mais plus encore, c’est l’aspect mental, les intentions qu’il y a derrière qu’il est primordial de questionner. Le corps peut être guéri et reposé mais la tête peut rester « à la traîne ». Bravo en tout cas. Tu peux être fière de toi, continue comme ça. Bonne séance d’écriture/d’études, amuse-toi bien! A bientôt!