L’hospitalisation a été une étape importante de mon processus de soin.
Mais juste une étape.

Celle qui m’a permis de sortir du trou immensément profond dans lequel j’étais.
Celle qui m’a réinsérée dans un semblant de vraie vie.
Celle qui m’a redonné la force d’avoir des projets.
Celle sans laquelle je ne serai pas là aujourd’hui.

En rentrant en clinique, je savais qu’il me resterait un gros travail à faire à la sortie. Honnêtement, je n’avais pas l’idée de l’ampleur du travail.

Tout au long de mon hospitalisation, la souffrance était omniprésente et le contexte était bien là pour me rappeler la souffrance que je vivais : plusieurs mois dans une chambre aux rideaux orange, réveil tous les matins à 7h pour monter sur la balance, l’intégralité des repas surveillée par une infirmière, aussi gentille soit-elle, l’essentiel du temps passé avec d’autres patients aux problématiques si préoccupantes, …

Mais le principe même de l’hospitalisation est que vous n’avez rien à gérer.
Tout est rythmé, les plateaux calibrés, les activités à proximité, le contact avec les autres patients donne malgré tout un semblant de vie sociale, les médecins viennent à vous.

Le retour à la maison, aussi bénéfique, nécessaire, salvateur soit-il, m’a demandé beaucoup de rigueur. Maintenir l’objectif de guérison demande une vraie organisation.

D’un coup, il faut à nouveau faire des choix.
Choisir ce que vous allez manger, repas après repas.

Choisir quelles sont les activités qui vous font du bien, vraiment du bien (et par exemple, faire un arbitrage entre « j’ai besoin d’aller courir tous les jours » « ah oui, mais à long terme, est-ce que ce choix d’activité est celui qui me soigne ? »).
Choisir vos thérapeutes.
Choisir de continuer à les consulter. Semaine après semaine.

En quittant la clinique, j’ai réalisé que ma lutte contre les troubles alimentaires était loin d’être terminée. Et réaliser que tout était encore si compliqué m’a permis de vouloir intensifier ma lutte.
Ne pas revenir en arrière.
Ne pas prendre le risque de gâcher tout le travail entamé pendant ces longs mois d’hospitalisation.

Sans avoir la prétention de détenir la clé de la guérison, voilà quelques conseils et astuces qui m’ont personnellement aidée :

1. Entourez-vous d’une équipe thérapeutique

Et par équipe thérapeutique, j’entends une armée de médecins, de soignants, d’accompagnants.

Se soigner d’un trouble du comportement alimentaire peut rarement se faire seul.

Accepter de demander de l’aide est une force. Mais c’est aussi plus responsable.

En sortant de clinique, je voyais un médecin tous les jours. Poursuivre l’intensité des soins que j’avais en étant hospitalisée m’a aidée à rester engagée dans mon processus de guérison, à ce que mes médecins m’alertent des possibles rechutes, tout en continuant de m’accompagner dans mon introspection personnelle.

Une équipe thérapeutique, c’est un psychiatre, un psychologue, un médecin qui suit votre évolution de poids, un diététicien ou un nutritionniste, un kiné ou un psychomotricien. Ça semble énorme.

Vous êtes malade. Entourez-vous des bonnes aides pour ne pas l’être encore dans 10 ans.

2. Soyez prêt à souffrir

Les troubles alimentaires sont des maladies dont la guérison fait mal. Tant sur le plan physique que psychologique.

Maux de ventre, ballonnements, peurs de la prise de poids, idées erronées sur tout un tas de sujets, qu’ils soient alimentaires, sociaux, familiaux, professionnels, …

J’ai appris à accepter tous ces maux.

Avec le temps, j’ai appris que rien est linéaire. J’ai appris et accepté que la souffrance passe.

J’ai aussi réalisé qu’en me chronicisant dans l’anorexie, la sensation de bien-être m’était étrangère. Et qu’elle me destabilisait.

Ce sentiment ne dure pas. En s’acharnant à aller bien, vous irez mieux.

Pour guérir, il faut être prêt à bousculer sa zone de confort. Qui n’a rien de confortable.

3. Ayez des convictions et gardez le rythme

Autour de vous, vos proches, votre famille, vos amis vous feront des remarques maladroites, essaieront de vous donner des conseils qui iront à l’encontre de votre guérison. Non pas pour vous porter préjudice. Mais parce que les gens qui ne souffrent pas de troubles alimentaires n’ont pas les mêmes besoins, ni les mêmes référentiels. Ils se rattachent aux diktats de la société, et pensent manger sainement, avoir une hygiène de vie adaptée.

Sauf que c’est vous qui êtes sain(e)s. Et c’est là qu’un nutritionniste ou un diététicien sera d’une grande aide.

Guérir demande beaucoup de rigueur.

Gardez le rythme, écoutez vos soignants et ayez vos convictions. Peu importe les nouveaux régimes à la mode ou les lubies de votre entourage.

4. Préparez-vous à avoir des hauts et des bas

La guérison n’est pas linéaire.

La mienne est un long chemin en tous cas. J’ai eu des moments de prises de poids, des moments de perte de poids. Je n’ai jamais aimé le mot « rechute ». Ce n’est pas une question de chute. C’est simplement que la guérison est longue. Le chemin est fait de hauts et de bas.

Et c’est là que mon équipe thérapeutique est d’une aide considérable. Dans les moments de doutes, de perte d’espoir, ils sont toujours là pour me rappeler tout le chemin déjà parcouru, me relever, m’ouvrir les yeux sur les accomplissements qui montrent qu’il n’y a pas de retour en arrière. Juste une évolution. Qui va dans le sens de la guérison.

Même si la guérison est longue. Mais elle existe.

5. Faites du tri et entourez-vous bien

L’hospitalisation, même si elle n’est qu’une première pierre à la guérison, nous change énormément. Nos goûts (pas qu’alimentaires), nos envies, nos amis. Nos envies sont différentes parce que justement on a fait un chemin personnel pendant cette période d’hospitalisation. Un des enjeux de la sortie est de pouvoir transposer ces nouvelles envies à votre quotidien.

Ce qui m’a personnellement beaucoup aidée, c’est de commencer par faire un immense ménage chez moi. Ça peut paraître cliché, et pourtant je ne suis pas du tout quelqu’un de maniaque.

J’ai relevé mes manches, et j’ai passé le moindre recoin de mon appartement à la loupe. J’ai jeté beaucoup. Des vêtements, des objets qui me rappelaient des souvenirs dont je ne voulais plus avoir la possibilité de penser, j’ai récuré, j’ai réfléchi, j’ai appelé les gens que j’aime, supprimé de ma liste de contact ceux qui ne me faisaient pas du bien.

Et petit à petit, j’ai senti comme une place énorme dans mon corps et dans mon cœur, comme si j’y avais apporté de l’oxygène et une dimension saine…

6. ACHARNEZ-VOUS

J’ai vu des guérisons improbables. Des femmes de 55 ans, malades depuis 30 ans, arrivées à l’hôpital en réanimation à 24 kg, sorties plusieurs mois plus tard sans plus aucun trouble alimentaire. Vraiment.

Des jeunes filles à l’histoire compliquée, refusant toute réintroduction, qui petit à petit ont réussi à trouver le bon chemin.

On m’a souvent dit « quand il y a de la vie, il y a de l’espoir »

100 exemples de repas complets pour retrouver des repères et reprendre goût à l’alimentation

Il m’a fallu des mois après la sortie de l’hospitalisation, des semaines remplies de consultation médicales, une recherche intense du rythme qui me convient, de nouvelles rencontres, et tout un tas de petites choses à mettre en place, pour enfin admettre que je vais mieux hors hospitalisation qu’en clinique.

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