Tous les mercredis après-midi au sein du Centre Hospitalier Lenval de Nice, des professionnels de santé (psychiatres, infirmiers, psychologues) animent des ateliers olfactifs .

L’objectif de ces ateliers: aider les patients à se réapproprier leurs sens et favoriser l’accès à leurs émotions en faisant émerger leur reviviscence.

Nous avons rencontré le Dr Emmanuelle Dor Nedonsel, pédopsychiatre.

Bonjour Docteur,
Pouvez-vous nous expliquer comment se déroulent ces ateliers olfactifs et à qui ils s’adressent ?

Tous les mercredis après-midi, nous proposons 2 sessions d’atelier auxquelles participent 6 patients et 2 thérapeutes. Chaque  séance  se déroule en 2 temps. D’abord le temps de la perception olfactive, pendant lequel nous proposons 3 catégories d’odorant (alimentaires, boisées et florales) présentées sur des mouillettes de papier. Chaque odeur est passée 3 fois aux patients et aux thérapeutes, et sans verbalisation. Ces trois passages offrent la possibilité de l’émergence de plusieurs notes de l’odeur et/ou de souvenirs associés. Ensuite, il y a le temps de l’identification de l’odeur et de l’évocation, son but est de favoriser les associations entre perceptions olfactives et souvenirs. Les patients sont libres de verbaliser leurs impressions et si possible, des souvenirs. Nous leur demandons si l’odeur est agréable ou désagréable, pourquoi, si ça leur évoque un souvenir et si ce souvenir est agréable. Lorsque nous présentons les mouillettes, il ne leur est pas annoncé l’odeur que celle-ci détient. En sachant que le but premier n’est pas de deviner l’odeur, mais de déclencher des réminiscences liées à cette odeur.

Quel est le profil des patients participants ?
Dans le service universitaire de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent de Nice du Professeure ASKENAZY,  nous suivons en majorité des adolescents,  et des pré-adolescents présentant des troubles des conduites alimentaires de type anorexie restrictive et boulimie. Les patients qui participent aux ateliers ont entre 10 et 18 ans.
Ils sont tous à un stade différent de leur évolution. Certains ont déjà été hospitalisés et sont désormais suivis en ambulatoire, certains le sont actuellement, d’autres n’ont jamais été hospitalisés.

Quels bénéfices de ces ateliers voyez-vous, et en quoi est-ce complémentaire dans l’intégralité du protocole de prise en charge ?
L’atelier olfactif fait intégralement appel à l’éveil des sens. Nous voyons progressivement au fil des séances, un enrichissement des perceptions olfactives, une émergence de souvenirs.

Il permet au patient de favoriser l’accès à ses sensations, à ses émotions, via une expression verbale et graphique.

Cet atelier est particulièrement adapté à ces patients verrouillés dans un contrôle tel des émotions que le ressenti et la verbalisation de celles-ci semble ne pas être possible. Sentir une odeur vient déclencher malgré eux la reviviscence de souvenirs associés à des émotions.

Cet atelier  et souvent le moins effrayant pour les jeunes patients que nous suivons. Il permet ainsi un travail initial préverbal qui amorce l’adhésion aux soins. Progressivement, d’autres ateliers sensoriels plus complexes seront proposés et une psychothérapie individuelle sera envisageable.

Combien de séances sont nécessaires pour que ce soin porte ses fruits ?
Il n’y a pas de protocole cadré, hormis la proposition d’essayer 3 séances avant de se prononcer sur l’acceptation de poursuivre l’atelier. Nous faisons le constat que les jeunes restent en moyenne 6 à 9 mois dans cet atelier. Ce qui est intéressant et constructif, c’est de pouvoir voir l’évolution du patient d’une séance à l’autre.
Pour certains patients, les premières séances sont plus difficiles. Ils n’arrivent pas à parler, à s’exprimer. Nous ne les forçons jamais. Séance après séance, on peut observer l’évolution des jeunes à travers leurs dessins, leurs illustrations, leur parole qui se fait plus riche, plus précise et plus incarnée, les relations qui se créent au sein du groupe. Même si les jeunes expriment souvent qu’ils ne comprennent pas à quoi sert l’atelier, pour nous soignants, c’est extrêmement parlant et significatif dans l’évaluation de l’état du patient.

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